EARL Les Taisnières

De Triple Performance
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25 ans de recul en semis direct
Sylvain Delahaye
Ver de Terre Production Eure (département) Grandes cultures

Portrait de Sylvain Delahaye.jpgPanorama ferme des taisnières .jpg


Contexte de la mise en œuvre

Dans les années 80, Sylvain Delahaye s’installe en tant qu'indépendant sur une petite structure d'environ 45 à 50 hectares, il s’immerge dans le monde de l'élevage bovin, se spécialisant dans l'engraissement. Ces premières années furent marquées par un travail de mise en place d'ateliers d'élevage classiques. Cependant, en 1989, un tournant se dessine avec la création d’un Groupement Agricole d'Exploitation en Commun (GAEC) avec son frère et son père dans le but de faciliter par la suite la reprise de la ferme des parents. Cette nouvelle structure accueille un important troupeau laitier composé de races normandes mixtes (130 têtes de bétail), ainsi qu'une activité d'engraissement de bovins (180 têtes de bétail). Cette union permet non seulement de rationaliser les opérations agricoles en regroupant les différents ateliers, mais également d'optimiser la gestion globale de l'exploitation. En 1993, l'étape cruciale du départ officiel des parents de l'exploitation est amorcée, mais ce n'est qu'en 1996 que cette transition se concrétise pleinement. C'est alors, en 1996, que Sylvain Delahaye prend une décision audacieuse en abandonnant progressivement le labour pour adopter une méthode pionnière dans la région les "TCS" (Techniques de Culturales Simplifiées), symbolisant ainsi le premier pas vers une transition agroécologique et une autonomie plus forte de la ferme.  

Spécificités

  • Précurseur du semis direct dans la région.
  • Grandes cultures.
  • Vente directe.
  • Prestations de services en ACS (Agriculture de Conservation des Sols).
  • Montage économique entre plusieurs structures pour garder la valeur ajoutée de la production entre les structures et être moins dépendant du marché et impacté par la concurrence (réduction des marges des intermédiaires et gestion plus importante de la chaîne de valeur et optimisation fiscale).
  • Bas volume (adjuvants, buses et filtres adaptés).

Etapes de transition

  • En 1996 : Trois événements très importants ont accéléré la transition au Semis Direct et à des TCS :  
    • La mise au norme obligatoire de tous les bâtiments d'élevage.
    • Prix de la viande en chute libre, ceci est dû à la crise de la vache folle qui pousse à arrêter l’élevage et surtout l’engraissement de taurillons.
    • Le départ de ses parents à la retraite.

Sylvain s’est donc retrouvé avec plus de disponibilité et est “redevenu un agronome”. Il donnait énormément de fumier (terres très hétérogènes, mais homogènes au niveau de la MO (matière Organique) qui était à 6% après 1996).

  • La ferme est située en région céréalière, entourée de 2 plateaux céréaliers avec des rendements à trois chiffres. Sylvain quant à lui ne passait pas 8 t/ha avec des charges très importantes car ses terrains sont difficiles à travailler avec des techniques conventionnelles : Le matériel s’use vite du fait de la présence importante de cailloux, il a besoin de plus de carburant. Fort de ce constat, Sylvain décide  d'arrêter le labour pendant 2 ou  3 ans. La stratégie ne s’avère pas suffisante puisqu’il a besoin de travailler quand même beaucoup la terre (3-4 déchaumages, un décompactage, un passage de herse rotative, un passage de semoir.)  Pour une culture, cela représentait entre 35, et 50 L/ha alors qu’en semis direct il est aujourd’hui  entre 5 et 6 L/ha.
  • Dans le but d’optimiser sa stratégie et d’obtenir des résultats satisfaisants, il participe à des portes ouvertes et rend visite à  quelques agriculteurs qui commencent le Semis Direct en Touraine, Jean-Claude Quillet, Anthony son fils et Alfred Gässler (Semeato).
  • Claude Bourguignon est venu sur la ferme faire des profils de sols.
  • 1998 : À l'époque, alors qu'ils étaient associés en GAEC avec son frère, ce dernier proposait de passer au semis direct sur une surface maximale de 30 hectares et non pas de passer l’ensemble des terres cultivées en SD. Sylvain, exprima des réserves quant à un passage “partiel”, soulignant notamment  les contraintes liées à un équipement doublé. Ils prirent alors la décision de s'informer davantage sur cette pratique et se donnèrent un à deux ans supplémentaires pour étudier la question. À cette époque, ils n'avaient pas de voisins équipés en semis direct, ce qui signifiait qu'ils devaient investir dans un tout nouveau système. Ils conclurent que si l'adoption du semis direct se limitait à une parcelle de seulement 15 hectares, cela ne valait pas la peine d'entreprendre cette transition.
  • En 2000 : Ils franchissent le pas en convertissant l'intégralité de leurs 300 hectares au semis direct.
  • Entre 2000 et 2005 : Des doutes ont parfois assaillis leurs esprits. Cependant, un voyage au Brésil, où ils ont rencontré Alfred Gässler et Lucien Séguy, leur a apporté un regain de motivation et de confiance.
  • En 2004 : Il a concrétisé l’évolution de son exploitation en créant une SARL et en initiant les prestations de semis pour d'autres exploitants.
  • En 2007 : Leur engagement en faveur de l'environnement a été officiellement reconnu avec l'obtention de la certification ISO 14001.
  • En 2013 :
    • La scission du GAEC est survenue, avec 150 hectares pour chacun d'eux. Le neveu, Paul, a hérité d'une exploitation principalement orientée vers l'élevage laitier et basée sur une exploitation herbagère.
    • Paul et Laure ont réalisé leur installation en créant l'EARL du Chat au Renard à Neuf Marche.
  • En 2015 : Installation de Pierre à Transières, marquant ainsi une nouvelle étape dans le développement de leur activité.
  • En 2017 :
    • Un accident tragique emporte Pierre. Sa ferme a été maintenue grâce à l'engagement de Denis.
    • Laure et Paul ont repris la ferme de Lisors avec leur charcuterie, ajoutant ainsi une corde supplémentaire à leur arc.
  • En 2018 : L'agriculteur a décidé de se retirer de la présidence de Cerfrance pour se concentrer pleinement à leur exploitation.
  • Entre 2019 et 2021 : Ils ont franchi une nouvelle étape en embauchant un salarié, marquant ainsi une nouvelle phase de croissance et de développement pour leur entreprise.

Objectifs du changement de pratiques

L’objectif de Sylvain Delahaye en changeant ses pratiques et en passant en ACS était tout d’abord la réduction de la battance et de l’érosion des sols, certaines de ses terres étant en pente et soumises à des processus érosifs parfois importants.

Le passage en ACS avait pour second objectif la diminution de l’usure mécanique et des remontées de silex.

Très rapidement, le changement de pratiques a eu pour but d’améliorer la vie du sol (activité biologique) et sa fertilité (augmentation du taux de matière organique : taux initial en 2001 : 1,6% / objectif en fin de carrière : >4%).

Pour finir, l’ACS permet à Sylvain Delahaye d’implanter des cultures avec un bilan humique positif.

Effets constatés des nouvelles pratiques

Dans un premier temps, la mise en place du semis direct s’est faite dans le but d'avoir un  impact économique sur la gestion de la ferme. Ce n'est que par la suite que la sensibilité du sol, sa biodiversité et l’impact des pratiques culturales sur la structure de celui-ci entrent en considération.

Parmi les principaux effets constatés sur ses terres grâces au changements de pratiques, il y a :

  • Une augmentation du taux de matière organique stable dans le sol : 1.6 à 3%.
  • La réduction de l’érosion des sols.
  • L’obtention d’un système économiquement viable (réduction des coûts liés à l'énergie, réduction de la vitesse de travail dans les champs donc de la consommation en carburant et de l’usure).
  • Un regain d'intérêt et de motivation pour sa profession et un confort de travail accru.  

Essais

Parmi les essais et analyses que Sylvain Delahaye  aimerait mettre en place sur son exploitation :

  • L'analyse de la méthode de production sur les oligoéléments, qu’est-ce que l’ACS et la mise en place d'un couvert végétal, peuvent apporter par rapport à une culture classique ?
  • Vérifier par des essais que la sélection variétale sur la ferme rend bien les plantes plus robustes et résistantes à la maladie (ce sont des observations terrain sur plusieurs années qui n’ont pas encore été vérifiées par des méthodes statistiques).
  • Réaliser une analyse de la qualité nutritionnelle des cultures.

Système actuel

La rotation choisie initialement n'a pas évoluée au cours du temps. Plusieurs essais ont été mis en place au cours de la carrière de Sylvain Delahaye, pour remplacer le pois ils ont essayé du lin oléagineux, puis le soja triple 0, car la marge du pois n’est pas très bonne. "On voit qu'on récolte de plus en plus tôt en Normandie, par exemple pour le blé avant nous récoltions début août maintenant il n’y a plus un hectare à récolter début août, tout a déjà été fait... une précocité de, je dirais, environ 2 semaines". Les céréales d'automne sont  semées de plus en plus tôt afin de s’adapter à la variabilité climatique et aux conditions météorologiques de ces dernières années.

Suivi des cultures : Rotation et itinéraires techniques

L'agriculteur souhaiterait rallonger sa rotation qui est actuellement de 4 ans avec des "cultures quand même rémunératrices" (il en a essayé plusieurs : le lin oléagineux, le sarrasin, la lentille, le soja, le lupin...) : "Ce sont des cultures difficiles a suivre et que je maîtrise mal car elles ne sont pas adaptées au contexte de la région (soja par exemple), on a pas le temps de bien s'y consacrer et bien les réussir".

Sylvain Delahaye a réalisé  une  recherche au niveau des variétés pour chaque espèce plantée : ce qui est recherché c'est la "vigueur de départ", le "potentiel de production" et les "résistances croisées" (en blé les avantages du mélange variétal se sont avérés réels).

Le pois n'a pas une bonne marge brute mais Sylvain ne s'arrête pas à la marge par culture mais à la moyenne des marges brutes car le pois a un grand intérêt au sein de la rotation (plus de variétés de familles et d'espèces, restitution d'azote à la culture suivante...)

  • Colza : Rendement entre 30 et 45 qtx de moyenne. Rendement similaire à une culture de colza dans la région en “conventionnel”.
  • Blé : Rendement  entre 50 et 85 qtx.
  • Orge d’hiver : Rendement entre 75 et 85 qtx.
  • Pois :  Culture compliquée avec une grande variété au niveau des rendements d’une année sur l’autre (de 25 qtx à 50 qtx). Il est difficile d’avoir chacune des cultures rentable économiquement mais elles  s’intègrent toutes dans la rotation globale. Le pois est maintenu “faute de mieux” pour les bénéfices qu’il apporte dans la rotation. Cette culture permet de couper le cycle entre 2 graminées pour éviter les problèmes d’enherbement trop important sur les parcelles.

Pois

  • Récoltés fin juillet (culture suivante semée le 10 août, donc pas besoin de couvert).
  • Zéro traitement au semis.
  • Engrais starter : 50-60 kg.
  • Ils profitent de l'azote restitué par les pois ("si on attend les blés, il y aura un peu de perte de l'azote et un peu de lessivage").

Colza

  • Mélange de variétés lignée et hybride : 3 variétés.
  • Choix des variétés selon les critères suivants : Vigueur de départ, potentiel de production et résistance croisée.
  • Date de semis : 10 Août.
  • Densité de semis : Jamais en dessous de 3 kg/ha.
  • Désherbage : En fonction des besoins.
  • Problématique : Ray-grass, charançon, méligèthes.
  • Fertilisation : Pas de diminution de la quantité d’azote, pas d’apport de PK sauf en engrais starter et parfois oligoéléments.
  • Après le colza, repousses restituées au sol (permet d'avoir un sol toujours couvert).

Blé

  • Semis précoce à une haute densité.
  • Date de semis : 20 septembre.
  • Densité : 300-330 grains/ha.
  • Choix des variétés : 3 variétés minimum.
  • Fertilisation : Pas de diminution de la quantité d’azote. Pas besoin d’engrais starter car taux importants de MO et reliquats azotés.
  • Les repousses de colza sont laissées dans le blé ( détruites aux derniers moments.)
  • Herbicides : 1-1,5 L de glyphosate + 8-10g d’Allié. S'il y a une pression de Ray-grass il ajoute un antigraminées.
  • Fongicides: Gestion classique, utilisation de macération avant mais pas assez efficace

Couvert court

Orge d'hiver

  • Choix de variétés résistantes aux pucerons pour limiter les insecticides.

Couvert long

  • Date de semis : 15-20 mars minimum.
  • En place 4-5 mois.
  • Destruction plus tôt pour pouvoir mettre de l'antigraminées.
  • Composition : graminées (seigle : 42 %), légumineuses (féverole, vesce : 58 %) ;
  • Rendement : 6 t/ha de matière sèche ;
  • Destruction : Gel, roulage, et/ou chimique (0,8-1,2 L/ha de glyphosate).

Amendements

Engrais organiques

  • ~ 40 UN/ha/an (fumier de bovins échangé contre les pailles des céréales) selon les cultures(le fumier est réservé pour les parcelles les plus érodées.)
  • Compostage des  fumiers : Sylvain fait  passer une andaineuse à fumiers dans les parcelles, avant il faisait 3 retournements afin de composter au maximum le fumier. Aujourd'hui, un seul retournement est suffisant car il a constaté d’importantes pertes de carbone et d'azote quand il composte trop le fumier. Il y a donc plus de dépenses en énergie fossile pour le retournement des andains qui se traduisent par une diminution de la qualité nutritionnelle du fumier pour la terre et les cultures. La diminution du compostage et du retournement est donc un choix pragmatique qui permet d’optimiser le système au niveau économique (moins de charges) et environnemental (moins de gaz à effet de serre et lixiviation des nutriments).
  • Concernant la quantité de fumier apporté et les modalités d’apports: "J'apporte en petites doses et tout le temps, entre 7 et 8 tonnes de fumier épandues par hectare et par an. Je préfère nourrir le sol continuellement que d'en donner beaucoup et ensuite avoir une longue période sans rien. Est-ce que j'ai raison ? Je n’en sais rien mais je préfère ça. "

Engrais minéraux

Au niveau de la fertilisation azotée, les pratiques de fertilisations sont les suivantes sur la ferme de Sylvain Delahaye:

  • “La politique de l'azote : On  a  pratiquement pas diminué les quantités. Sauf qu'on a modifié quand même, avec le temps, le timing de l'apport. Maintenant je conseille à tout le monde de le faire en direct et d'apporter l'azote plus tôt, c'est-à-dire fin février début mars.” “On a soldé les apports d'azote parce qu'on sait qu'un sol avec trop de matière organique dès le mois de mai, va apporter l'azote. Ce qui explique sûrement aussi que je n'ai pas de problème de protéines."
  • ~ 145 UN/ha/an (peu/pas de phosphore et de potasse).

Bilan azoté

  • Apport moyen de ~130 unités d’azote minéral /ha /an.
  • Apport moyen de ~40 unités d’azote organique /ha /an.
  • Fixation de l’azote atmosphérique par les légumineuses : ~20 unités d’azote /ha /an.
  • Export par les cultures de ~130 UN/ha/an.


Méthode des bilans :

  • Apports totaux : 190 UN/ha/an.
  • Exports totaux : 130 UN/ha/an.
  • Azote résiduel : 60 UN/ha/an.

Source du bilan azoté  : Portrait réalisé par l'IAD sur la ferme de Sylvain.

Impact des nouvelles pratiques

Impacts sur la biodiversité

  • Biodiversité du sol: 
    • 195 vers de terre au m2 (leur population à été multipliée par 20 en 20 ans).  Sylvain Delahaye pense que cela est dû au changement de pratiques et à l'arrêt du travail du sol : “Comme on est sur le même axe de développement, on peut supposer que tout a été multiplié par dix ? Par 20 je pense? La population de champignons, j'ai du mal à l’identifier. Les mycorhizes, nous n’avons pas fait d’analyses, c'est difficile à voir. Il faudrait avoir une analyse très fine.”
    • Amélioration du taux de MO (2001 : 1,6 % / 2014 : 3,0 %).
Trous de mulots chez Sylvain Delahaye

Impacts sur la gestion des "ravageurs" et adventices

  • Gestion des mulots et campagnols : Les mulots et campagnols sont les ravageurs les plus problématiques en semis direct. “Il y a de la forêt partout, donc du gibier et du mulot, il peut y en avoir là. Il y en a beaucoup moins que sur d'autres parcelles.” Pour les mulots et les campagnols Sylvain installe des piquets (2 piquets par hectare) afin qu’ils servent de perchoirs aux rapaces, principaux prédateurs du mulot avec le renard. Les piquets sont installés dans les champs qui ne sont pas en lisière de forêt. Pour les champs en lisière, le contrôle de la pression des mulots se fait par les rapaces et renards qui se trouvent dans les bois. Il procède à un contrôle manuel (raticides dans les trous) lorsque la pression est trop importante sur une parcelle et que la biodiversité (rapace et renards) des alentours ne suffit plus à réguler la population. La présence de bois et lisière de forêt sur de nombreuses parcelles permet la présence de nombreux prédateurs des mulots et campagnols ce qui permet de réduire de manière significative la pression sur les cultures, bien que les campagnols soient l’un des principaux ravageurs dans les systèmes en ACS.
  • Les problèmes de mulots entrainent aussi des ravages de sangliers qui "adorent les nids de mulots". Il y a eu une parcelle à l'époque où Sylvain faisait du lin textile, qu'il a dû travailler car il est compliqué d'arracher le lin dans ces conditions. C'est là qu'ils ont remarqué que "toutes les parties travaillées étaient nettement moins bien que les endroits travaillés", "on repart 3/4 ans en arrière".

Sylvain explique que l'ACS c'est accepter qu'il y aura une pression de mulots "plus ou moins bien gérée" en fonction des fermes.

  • La problématique ray-grass est la même sur la ferme que que pour les agriculteurs en  conventionnel aux alentours  : “Il n’existe plus de molécules autorisées capables de désherber le ray-grass dans le blé correctement. C'est pour ça que la rotation a tout son intérêt car pendant deux ans on est en antigraminées".
  • Concernant la pression des insectes ravageurs : “On surveille les insectes mais on a guère de problèmes, mais attention pour ceux qui débutent, il faut pas tout prendre à la lettre, il faut le temps que ça se mette en route, épargner progressivement les bons insectes”. Des comptages d’insectes sont effectués tous les ans sur la ferme pour suivre l’évolution des populations d’insectes en général. Sur le colza, il y a une présence occasionnelle de charançons. Quand c'est le cas, il pulvérise un insecticide si la pression est trop forte. Pour les méligèthes, il est rare qu'il y ait des traitements, 1 fois tous les 5 ans environ, il y a un effet positif du méligèthe au stade floraison, car l’insecte permet de féconder les autres fleurs. En revanche, s'ils arrivent au moment des boutons, l'insecte est très préjudiciable et un traitement est alors nécessaire.
  • Gestion des limaces : Du fait de l’augmentation de la superficie des parcelles semées en colza, la pression des limaces est plus forte qu’avant sur les parcelles. Sylvain précise néanmoins qu’il n’a pas plus de problèmes de limaces car il est en ACS. Sylvain n’est pas partisan des solutions systématiques, il n’applique donc pas d’antilimaces sur toutes ses parcelles mais seulement quand la pression est trop forte. Cette méthode nécessite néanmoins beaucoup d’observations, il ne faut pas passer sur ces parcelles tous les 15 jours.

Impacts sur l'érosion

Parcelle hydromorphe

Avant les années 2000, il y avait des problèmes d’érosion des sols importants après de forts épisodes pluvieux. Avec le changement de système (passage en ACS et la mise en place de couvert d’interculture) et sans mettre en place des mesures antiérosives particulières (Zones enherbées dans les vallons, etc.) les problèmes d’érosion se sont réduits de manière significative.

Impacts sur la quantité /qualité des produits

  • Rendement équivalent aux laboureurs et "TCSistes" voisins.
  • Le taux de protéine est passé de 9 à 11,5% pour les blés, Sylvain pense que c’est dû aux oligoéléments  “Alors ce n'est plus les mêmes années, ce n'est plus les mêmes variétés. Tout ça, je veux bien. Mais intuitivement, j'aimerais bien qu'on creuse ce sujet là. Je pense qu'on a des plants qui sont plus résilients et donc plus armés pour résister aux maladies et qui font un grain qui est plus riche. Il faut encore que je puisse le prouver. Pour le moment, ce ne sont que des observations, mais la plante est plus costaud et se développe bien. Il y a moins besoin d’interventions”.

Autonomie sur la ferme

  • Cultures autonomes en semences : blé , orge , pois.
  • Cultures nécessitant l’achat de semences : Colza, couvert végétaux.
  • Stockage propre.
  • Production de fumier sur les fermes du groupement et échange de matières premières (fumier, graines et fourrages) au sein des différentes fermes.

Maintenant qu’il n’est plus en GAEC, Sylvain vend ces cultures lui-même directement au port de Rouen.

Equipement

Sylvain change de tracteurs tous les 5 ans (pulvérisateur et moissonneuse inclus).

Il a décidé d’amortir et de garder seulement les semoirs car ce sont des semoirs brésiliens très robustes, il change juste les disques tous les deux ans et quelques roulements.

Listes des équipements sur la ferme (uniquement les outils “remarquables”) :

  • Moissonneuse batteuse.
  • Trieur double étage.
  • 2 tracteurs.
  • Semoir à disques Semeato (45 000 €).
  • Semoir à disques New Holland double cuve (30 000 €).
  • Pulverisateur 1200 L (24m)*
Semoir New Holland




Semoir Semeato





Economie

Graphique économique en cours

Les charges opérationnelles

“J'ai pas de diminution de charges opérationnelles par rapport aux moyennes des groupes. Par exemple, même en fongicide, je ne suis pas beaucoup plus bas, je croyais l'être. Et pour le désherbage, je suis peut être un tout petit peu au dessus. Donc en produits phytosanitaires, je suis à peu près comme les autres, en engrais, je suis un peu plus faible, mais ça, ça vient du fait que je ne fais pas de PK.” 

Les charges opérationnelles de l’exploitation sont similaires à une exploitation en agriculture conventionnelle.

Les charges de structure

“là, je suis nettement inférieur aux autres”

  • 5 à 6 litres de carburant/ha (économie de 30L de carburant par rapport aux autres).
  • “J'ai un autre indicateur qui est très intéressant pour que j'utilise pour la certification ISO mais qui est un indicateur de gestion. C’est le nombre de chevaux de traction des tracteurs : avant les années 2000 j’étais à 2 ch/ha, aujourd'hui je suis à 0,9-1 ch/ha. Cela se ressent dans les coûts de prestation que je fais”. Ces économies en charges de structure ont permis de surmonter les échecs liés aux cultures de printemps.

Prestations

“Les charges de structures sont nettement inférieures et les coûts de prestations s'en ressentent. Actuellement, quand tu fais tous les travaux de A à Z, ça devrait être au moins 450 €, voire 500 €. Moi je facture 420 €. Et quand je fais les travaux à l'extérieur et entre nous, on est plutôt à 300€ à 350€. J'ai 200 € de moins de charges de structure. C'est là que je fais mes économies. C'est pas sur le reste”.

Focus sur le montage économique de la ferme

Structure de l’entreprise et optimisation

Sylvain a créé une ETA (Entreprise de Travaux Agricoles) en 2004 (pour l'exonération des plus-values) qui possède tout le matériel et toute la main d'œuvre (4 travailleurs dont 2 salariés et les deux gérants et un apprenti). Il réalise ensuite des prestations et a en gestion différentes fermes :

  • L’EARL Les Taisnières (La ferme de Sylvain Delahaye dont traite ce portrait) : 150 ha.
  • SCEA Ferme de Pierrot: 125 ha dont 40ha de pâtures. Anciennement la  ferme de son fils, décédé lors d'un accident de tracteur il y a 6 ans. Sylvain et sa famille décident de poursuivre sa ferme en sa mémoire (en ce moment il a plus de travail, avec un  troupeau allaitant de 70 vaches de race limousine). Les mâles sont vendus en broutards, toutes les vaches sont élevées et gardées. Tous les animaux sont vendus en vente directe par la fille de Sylvain Delahaye. Sylvain possède 55% des parts et réalise les prestations de service de la SARL (2 apprentis et Sylvain). Charolais, prairie inondable. Reprise en 2016.
  • EARL du Chat au Renard :  190 ha, tout en cultures de vente, avec un bâtiment d'engraissements de porcs et plusieurs bâtiments pour des poulets plein air, vendus à la structure de sa fille qui fait de la vente directe.
  • Ferme à côté de l’EARL Les Taisnières: 100 ha en gestion complète de la ferme sous forme de prestation.  


Cela signifie qu'en plus du fort temps gagné, et valorisé (SARL), Sylvain gère environ 500ha en semis direct !

Troupeau de limousines de la Ferme de Pierrot





Commercialisation

  • Pendant la période de GAEC : Sylvain avait un compte sur le marché à terme mais il faut un minimum de volume pour que ce soit rentable.
  • Aujourd'hui la commercialisation de sa production se fait en vente directe au port, principalement à Alternate, qui était une entreprise privée et est maintenant devenue une filiale de coopérative. Ces produits sont ensuite vendus sur le marché à terme.

Stockage

Sylvain Delahaye possède ses propres bâtiments pour le stockage de sa production. Des bâtiments, déjà préexistants sur la ferme, ont été aménagés en silo.  Ils sont équipés de système de ventilation (colonne verticale), d'une zone de triage et d’une zone de séchage pour garantir un stockage dans les meilleures conditions. Comme une partie de la production est auto consommée, le triage, le lavage, le séchage et le triage sont primordiaux pour éviter toute contamination des graines ou pertes dues aux ravageurs ou problèmes lors du stockage.

L’un des principaux problèmes lors du stockage sont les charançons : “Il faut absolument que ça soit ventilé et trié. Si on voit qu'il y a un lot qui débloque, on le repasse au trieur, on désinfecte par des insecticides. La surveillance accrue de chaque lot est de mise pour éviter d’infecter l’ensemble du stockage.”

Il n’y a pas d’augmentation des charges ou un surcoût  lié au stockage car les bâtiments étaient déjà présents sur l’exploitation  et le matériel (colonnes de ventilations) est amorti sur plusieurs années.

Conseils de l’agriculteur

  • Commencer en Semis direct : “Oui, alors deux choses : on commence que lorsqu'on est complètement persuadé que c'est dans le bon sens. Et donc, pour être persuadé, il faut aller voir ailleurs. Nous, on est jamais fermés, moi je suis allé rendre visite à ceux qui faisaient déjà du Semis Direct avant de me lancer. La deuxième chose est de partager ses échecs et ses réussites. Et moi, je fais exactement pareil. Quand je dis attention, on ne fait pas ça comme ça, ce n'est pas parce qu'il va faire plus de rendement que moi que je vais être plus malheureux ou que j'ai des raisons de le freiner. ”
  • Passage en ACS : “ Il faut que tu te donnes du temps et que tu aies envie de retoucher à l'agronomie, il faut vraiment que ça te passionne. Moi j'ai retrouvé l'amour du métier. L'agriculture de conservation m'a reboosté. On se lance à fond ou on se lance pas.”
  • Densité de semis et adaptation du système : "Je préfère gérer le trop que le pas assez", en effet, sylvain n'a pas assez de temps et de main d'œuvre pour un grand suivi des cultures donc il sème très dense. “ Peut être qu'il y a des pertes mais au moins ça pardonne les erreurs de gestion, parce que lorsqu'il y en a pas assez, c'est irrattrapable”.

Transition en contexte local

  • Il y a 20 ans, personne ne faisait de l'ACS autour de chez Sylvain. Il est allé à contre-courant en opérant une transition complète de son exploitation.
  • Au début ses voisins le prenait “pour un fou” et lui indiquaient que cette méthode ne fonctionnerait pas, même les conseillers agricoles lui déconseillaient cette transition car les stations expérimentales de la région donnaient de très mauvais résultats en SD.
  • Au fur et à mesure, il parvient à convaincre ses voisins du bien fondé de l’ACS sur les aspects érosion des sols, biodiversité et réduction des charges. Il les convainc notamment sur le fait que ses parcelles sont productives et propres et son modèle économique est à l’équilibre.
  • Évolution de la complexité du travail par rapport aux réglementations : Un peu compliqué avec l'évolution des réglementations PAC mais rien d'insurmontable. Les réglementations prennent du temps pour faire la partie administrative pour obtenir les subventions, beaucoup d'administratifs, c’est très chronophage.
  • Impacts du changement climatique au niveau local : "J'ai plus de difficulté à faire des couverts qu'avant avec la hausse des températures".
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